Les pates seches dans les differentes communautés du 12e au 17e siecles

Les pates : enquéte policiére II

Pâtes sèches de la famille des vermicelles


Dans les communautés juives


Entre le 3e et le 5e siècle, les académies rabbiniques de Palestine discutent du statut d'une pâte pour itrium dont on veut utiliser le reste pour faire du pain (Talmud de Jérusalem : discussions de la loi orale juive ou Michnah). Il s'agit de savoir si l'itrium (cuit en milieu humide dans une marmite) est bien non soumis à la hallah (prescription religieuse), alors que le pain (cuit en chaleur sèche au four) est soumis à la hallah (bénédiction religieuse).

- On retrouve les mots de vermishelsh (vermicelli ?) et trijes (tri ?) dans des commentaires de Rachi sur le Talmud de Jérusalem : des communautés juives du nord de la France au 12e siècle se posent à nouveau la question religieuse de la hallah à propos des pâtes. A la même époque, un disciple allemand de Rachi s'interroge sur le sort religieux des vrimzlish. Vermishelsh et vrimzlish sont-ils les ancêtres juifs des vermicelles ou ces noms indiquent-ils une influence italienne dans les communautés juives, via la Sicile ? Une seule chose est certaine : le mot vermicelli (petits vers) n'apparaît dans la littérature culinaire italienne qu'au début du 14e siècle.

Chez les arabes


- Itriyya est le mot arabe utilisé au 9e siècle, par le médecin syrien Jesu Bar Ali pour désigner les vermicelles. A la même époque, Gérard de Crémone, qui traduit le Canon d'Avicenne utilise le mot tri pour traduire itriyya. Ce mot est repris par le médecin Simon de Gênes pour désigner une pâte non levée en forme de long fils : les vermicelles !

- Le géographe arabe Idrisi signale, au 12e siècle, un commerce important de pâtes appelées itriyya, en Méditerranée à partir de la Sicile, à Trabia (à l'est de Palerme). La Sicile est alors sous domination normande, tout en conservant encore un nombre important de musulmans.

- A la place d'itriyya, les arabes parlent aussi de fidaws, qui devient fideos en espagnol, fidei, fidiaux en provençal (en 1397 en Avignon, il est question de semola de fideis), pour devenir fidès en Savoie. - Au 13e siècle, on retrouve de nombreuses recettes de fidaws et d'itriyya dans les livres de cuisine arabo-andalouse. Les pâtes de type vermicelle sont généralement cuites dans des bouillons ou des ragoûts, pour donner de la consistance au plat.

En Catalogne


En 1324, dans le Sent Sovi, on trouve 2 recettes d'alatria (issu de l'hispano-arabe atriya et de l'arabe itriyya), que Rodolph Grewe traduit par macaroni : Qui parla con se cou alatria (Qui dit comment cuire les macaronis) et Qui parla con se cou carn ab alatria (Qui dit comment cuire la viande avec des macaronis).

En Italie


Dans le Liber de Coquina, à la fin du 13e siècle, on trouve une recette de "Tria génoises", dont voici la traduction : Pour les pâtes génoises, brise dessus des ciboules avec de l'huile et mets-les dans de l'eau bouillante, et fais-les cuire, et place par dessus des épices; et donne leur la couleur et assaisonne-les comme tu veux. Avec elles, tu peux placer du fromage râpé ou coupé. Et donne-les comme il te plaît avec des chapons et avec de la viande de brebis ou de n'importe quelle viande.

- Le mot de fidaws ou fideus est majoritairement employé à la place d'itriyya ou de tri pour désigner, au 14e et au 15e siècle les pâtes exportées de la ville de Cagliari en Sardaigne, à destination de Barcelone, Majorque, Valencia, Gênes, Naples ou Pise. A la fin du 14e siècle, dans les livres de comptes des douanes de Sardaigne, on retrouve également les mots de macaroni et d'alatria. S'agit-il de 3 catégories différentes de pâtes ? la Sardaigne est alors sous la domination du royaume d'Aragon-Catalogne. L'influence catalane explique l'utilisation du mot fideus.

Les fabricants de pâtes sèches vont s'appeler ensuite fidelari sur la côte ligure.

L'essor des pâtes


A partir du 15e siècle en Italie, on constate une grande diversification des pâtes qui se traduit par une augmentation importante des appellations : croseti, formentine, maccaroni, quinquinelli, ravioli, tortelli, vermicelli... Les recettes et les noms varient d'une région à l'autre.

Mais le mot générique de pasta ne prend le sens restreint de pâtes alimentaires que tardivement.

Les commerçants sardes utilisent au 14e siècle l'expression obra de pasta pour désigner les pâtes sèches qu'ils exportent. Mais quand Bartolomeo Scappi édite, en 1570, son grand traité de cuisine Opera , le livre V, Libro delle paste (livre des pâtes) traite en fait des pâtés, tourtes, tartes et gâteaux sucrés comme beignets, gaufres et massepains. Les fabricants de pâtes fraîches sont de petits artisans qui produisent pour une clientèle locale. Les fabricants de pâtes sèches sont des artisans plus importants, pour une vente à l'exportation. Les manufactures de pâtes, qui produisent des quantités semi-industrielles, apparaissent en Italie à partir du 17e siècle. L'ère industrielle débute à la fin du 19e siècle, avec l'apparition des presses hydrauliques. Les pâtes sèches sont alors systématiquement fabriquées à base de blé dur.

En France, il faut attendre le début du 19e siècle pour parler de pâtes dans le sens de pâtes alimentaires. Avant, on parle de nouilles, de macaroni, de lasagnes... ou en Provence, de menudez, de macarons, de vermisseaux ou de fidiaux. En Allemagne, comme en Alsace, on préfère les pâtes fraîches appelées nudeln, qui deviendront nouilles en français ou noodle en anglais. La diffusion mondiale des pâtes est en partie liée à l'immigration italienne, qui emporte avec elle son savoir-faire et ses goûts culinaires, en particulier aux USA et en Amérique latine.

origine pate, pate italienne